INFORMATION • Le projet de loi de finances pour 2024, récemment présenté par le gouvernement, prévoit une réduction massive des dépenses publiques de l’ordre de 60 milliards d’euros. Cet effort budgétaire, censé contribuer à la stabilisation des finances publiques, suscite de vives inquiétudes parmi les particuliers et les petits entrepreneurs, principaux concernés par certaines des mesures proposées.
Alors que le gouvernement met en avant la nécessité de réduire le déficit public, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les conséquences sociales et économiques de ces coupes budgétaires. En particulier, les artisans et les propriétaires de petites entreprises estiment que ce budget pourrait affecter leur capacité à maintenir leur activité et, dans certains cas, à survivre financièrement.
Impact sur les artisans et les apprentis
Daniel, un plombier à Strasbourg, incarne la réalité de milliers de petits entrepreneurs face à ces nouvelles restrictions. Avec son entreprise Eldan Sanitaire, il recrute un apprenti tous les deux ans. Or, l’une des premières mesures envisagées dans ce nouveau budget concerne la réduction des aides à l’embauche des apprentis. Actuellement, cette aide s’élève à 6000 euros par an et par apprenti, mais elle pourrait être revue à la baisse, passant à 4500 euros.
Pour Daniel, cette réduction est une véritable menace. « Quand on est une petite entreprise, même en travaillant d’arrache-pied, on n’arrive pas toujours à joindre les deux bouts », témoigne-t-il. « Si on nous enlève ce petit avantage, il y a un vrai problème. » Cette aide lui permet de recruter des apprentis, souvent des jeunes en échec scolaire, qui trouvent à travers ces contrats une opportunité de réintégrer le monde du travail tout en acquérant des compétences précieuses.
La pression des charges sociales
Outre la réduction des aides à l’apprentissage, Daniel craint également une nouvelle charge qui pourrait être imposée aux petites entreprises : la fin de l’exonération des charges sociales pour les salaires supérieurs à 0,5 Smic. Jusqu’à présent, les apprentis dont les salaires ne dépassaient pas 0,79 Smic étaient exonérés de ces charges. Cette mesure était cruciale pour des entreprises comme celle de Daniel, permettant de recruter et de former des jeunes tout en maintenant une certaine viabilité économique.
Si cette exonération venait à disparaître, Daniel pourrait être contraint de réduire le nombre d’apprentis ou, pire encore, de cesser complètement de recruter. « Sans ces aides, je ne prendrai plus d’apprentis, c’est aussi simple que ça », déplore-t-il. Cette situation pourrait avoir des répercussions sur l’avenir de l’artisanat en France, un secteur qui dépend fortement de la transmission des compétences par l’apprentissage.
La location saisonnière sous pression
Les particuliers ne sont pas épargnés par les changements prévus dans le projet de budget. Angy, une jeune architecte d’intérieur basée à Nice, tire des revenus complémentaires en louant un appartement sur la plateforme AirBnb. Ce T2, qu’elle a hérité, lui permet de générer environ un Smic par mois, une somme non négligeable pour cette auto-entrepreneure dont l’activité est souvent imprévisible.
Cependant, les modifications fiscales prévues dans le projet de budget pourraient fortement impacter son activité. Si aucune augmentation d’impôts sur les revenus de la location saisonnière n’est explicitement mentionnée, la fiscalité autour des plus-values immobilières pourrait être modifiée. En effet, les amortissements qu’Angy déduit actuellement de ses revenus locatifs pourraient être réintégrés dans le calcul des plus-values lors de la revente de son bien. « Si la fiscalité change, je pourrais tout perdre », craint-elle.
Cette nouvelle disposition vise à encourager la location de résidences principales, plutôt que de favoriser le marché des meublés touristiques. Néanmoins, pour des propriétaires comme Angy, cette mesure pourrait entraîner une baisse des revenus, voire la fin de leur activité locative.
Les entreprises familiales face à l’incertitude
Les entreprises familiales ne sont pas épargnées non plus par l’incertitude liée au nouveau budget. Jean-Jacques Thel, 74 ans, est à la tête d’une entreprise de réparation d’appareils ménagers à Lille, transmise de père en fils depuis cinq générations. Aujourd’hui, il détient 75 % des parts de la société, tandis que son fils Jean-Christophe en possède 25 %. Cependant, la faible marge de l’entreprise rend la transmission particulièrement difficile.
Une des réformes évoquées concerne le pacte Dutreil, un dispositif permettant d’exonérer de 75 % les successions d’entreprises familiales. Si cette exonération venait à être modifiée, cela pourrait compliquer la transmission de l’entreprise familiale à Jean-Christophe, mettant en péril la continuité de l’activité. Bien que cette réforme ne soit pas encore inscrite dans le projet de loi, son évocation alarme les petits entrepreneurs familiaux. Jean-Jacques estime qu’il y a « une incompréhension totale de ce qu’est une entreprise familiale » de la part des décideurs politiques.
Des mesures budgétaires qui inquiètent
L’incertitude demeure quant à l’issue finale du projet de loi de finances pour 2024. Cependant, les petites entreprises, les artisans et les particuliers se sentent menacés par les mesures qui y sont proposées. La réduction des aides à l’apprentissage, les changements dans la fiscalité immobilière, et les potentielles réformes concernant les successions pourraient tous avoir des conséquences dévastatrices pour ceux qui dépendent de ces dispositifs pour maintenir leur activité.
Alors que le gouvernement cherche à réduire la dette publique, les entrepreneurs et les travailleurs indépendants craignent de devoir supporter une part disproportionnée de cet « effort » de 60 milliards d’euros. Les débats parlementaires qui s’annoncent seront décisifs pour l’avenir de ces milliers de petites entreprises et de particuliers dont l’activité repose en partie sur des aides ou des avantages fiscaux.
Ce projet de budget, loin d’être anodin, soulève de nombreuses questions sur l’équité des mesures envisagées et sur leur impact potentiel sur l’économie locale et nationale. Les voix de Daniel, Angy et Jean-Jacques ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres, mais elles témoignent de la détresse qui pourrait s’amplifier dans les mois à venir si ces réformes venaient à être adoptées sans aménagements.