La République des délinquants en col blanc : un modèle à la française ?

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Tony HOUDEVILLE

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INFORMATION • Le journalisme d’investigation continue de mettre en lumière les dérives et scandales au cœur de la politique française. Fabrice Arfi, co-responsable des enquêtes à Mediapart, a récemment révélé sur le plateau de l’émission C ce soir les détails d’un dossier explosif : l’affaire Marine Le Pen. La demande de peine d’inéligibilité émise par le parquet de Paris contre la cheffe du Rassemblement National (RN) pourrait bouleverser ses ambitions présidentielles pour 2027. Mais au-delà de ce cas, c’est l’ensemble de la classe politique qui se trouve discréditée, gangrenée par les affaires et la persistance d’élus au casier judiciaire chargé.

Marine Le Pen : une peine d’inéligibilité au cœur du débat

Le 13 novembre, le parquet de Paris a requis une peine d’inéligibilité de cinq ans contre Marine Le Pen, assortie de sanctions pénales et financières. Les accusations portent sur un détournement de plus de 4 millions d’euros de fonds publics européens sur une période de douze ans. Si cette peine devenait immédiatement exécutoire, elle pourrait écarter Marine Le Pen de toute élection, notamment la présidentielle de 2027, tout en lui permettant paradoxalement de conserver son mandat actuel de députée.

Ce scandale n’a pas tardé à déclencher une avalanche de réactions dans les milieux politiques, notamment à droite. Des figures comme Jordan Bardella, Gérald Darmanin ou Éric Zemmour ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme une instrumentalisation politique de la justice. Mais cette rhétorique, largement utilisée par les élites, masque une réalité troublante : la justice semble souvent impitoyable pour les citoyens ordinaires, mais étrangement indulgente envers les responsables politiques.

Des élus condamnés, mais toujours actifs

L’affaire Marine Le Pen s’inscrit dans une longue liste d’élus poursuivis ou condamnés, mais continuant à exercer leur mandat ou à se présenter à des élections. Éric Zemmour, candidat à la présidentielle de 2022, incarne parfaitement ce double discours. Condamné à plusieurs reprises, notamment pour provocation à la discrimination raciale, il a tout de même été autorisé à briguer la magistrature suprême, sans que ces condamnations n’affectent sérieusement sa carrière politique.

Et il n’est pas seul. De nombreux élus, tous partis confondus, cumulent affaires judiciaires et responsabilités publiques. Nicolas Sarkozy, ancien président, a été condamné pour corruption et trafic d’influence, mais reste une figure influente de la droite française. Alain Juppé, condamné en 2004 dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, a poursuivi sa carrière politique avant d’être nommé au Conseil constitutionnel. Cette complaisance, qui tranche avec la sévérité dont fait preuve la justice envers les citoyens ordinaires, alimente une profonde défiance envers les institutions.

Une justice à deux vitesses

L’introduction en 2016 de la peine d’inéligibilité automatique pour les atteintes à la probité visait à renforcer la responsabilité des élus. Pourtant, cette mesure révèle ses limites. Si Marine Le Pen était condamnée, elle pourrait perdre la possibilité de se présenter à de nouvelles élections, mais conserverait son mandat de députée jusqu’à l’épuisement des recours. Une incohérence qui découle de jurisprudences établissant une distinction injustifiable entre parlementaires et élus locaux.

Ainsi, des figures comme Hubert Falco, contraint de quitter ses fonctions de maire de Toulon en 2023 après une condamnation pour corruption, illustrent cette asymétrie. Tandis que les élus locaux subissent immédiatement les conséquences de leurs actes, les parlementaires jouissent d’une protection juridictionnelle qui retarde ou annule parfois les sanctions.

La corruption : un fléau politique endémique

Loin d’être l’apanage de quelques individus, la corruption et les abus de pouvoir sont devenus systémiques dans la classe politique. Ces comportements sapent la confiance des citoyens dans leurs institutions. Comment justifier qu’un élu puisse prétendre représenter le peuple tout en trahissant les principes fondamentaux de probité et de transparence ? Les excuses avancées – attaques politiques, cabales judiciaires – ne peuvent masquer le fait que la politique française semble tolérer, voire encourager, la persistance de figures déshonorées dans la sphère publique.

L’affaire Marine Le Pen est symptomatique d’un problème plus large. Si la justice applique la peine d’inéligibilité, cela représenterait un coup dur pour le RN, mais aussi un signal fort en faveur de l’éthique publique. À l’inverse, une indulgence judiciaire ne ferait que renforcer le sentiment d’impunité qui domine chez de nombreux élus.

Une exigence citoyenne de transparence

Dans un contexte où la défiance envers les élites atteint des sommets, les citoyens attendent des actes concrets pour rétablir l’équité et la transparence. L’exemple des pays nordiques, où la moindre suspicion d’abus entraîne des démissions immédiates, pourrait inspirer une refonte de notre système. En France, cependant, la complaisance envers les élus corrompus semble encore trop ancrée dans les pratiques politiques.

L’affaire Marine Le Pen, tout comme celle d’Éric Zemmour ou d’autres figures politiques, doit servir de catalyseur pour un changement profond. La justice ne peut continuer à fonctionner à deux vitesses. Les représentants du peuple doivent être tenus à des standards irréprochables, sous peine de voir la République sombrer dans un cynisme irréversible.

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