OPINION • Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, une question taraude de nombreux citoyens : le président respecte-t-il encore les principes démocratiques de la Cinquième République ? Cette interrogation trouve un nouvel écho après les récents événements politiques, notamment le rejet massif des choix citoyens exprimés lors des législatives anticipées de l’été dernier.
Lors de ces élections, l’alliance de gauche, le Nouveau Front Populaire (NFP), est arrivée en tête sans obtenir de majorité absolue. Ce vote portait pourtant un message clair : les Français souhaitent un changement de cap politique. Pourtant, Emmanuel Macron semble avoir choisi d’ignorer ce signal, préférant nommer des figures issues de la droite et de la macronie. Michel Barnier, une personnalité emblématique de la droite, a d’abord été nommé Premier ministre. Mais son gouvernement, jugé à l’opposé des attentes des électeurs, a été censuré par l’Assemblée nationale, un événement rarissime sous la Cinquième République.
François Bayrou et le « gouvernement zombie »
Malgré cette censure historique, Emmanuel Macron n’a pas cherché à tendre la main à l’alliance victorieuse des élections. Il a préféré nommer François Bayrou, fidèle allié, à la tête d’un nouveau gouvernement. Ce dernier a constitué une équipe composée presque exclusivement de personnalités de droite et de la macronie, allant jusqu’à inclure des figures controversées comme Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Manuel Valls.
Ce choix a été perçu comme une provocation par une grande partie de l’opinion publique. Le terme de « gouvernement zombie » illustre bien cette situation : une équipe déconnectée des aspirations populaires, composée de figures politiques recyclées. Pour de nombreux observateurs, ce mépris affiché envers la volonté des électeurs constitue une atteinte grave à la démocratie et alimente un climat de défiance généralisée.
L’ombre de l’article 16 : vers une présidence autoritaire ?
Face à cette impasse institutionnelle, le spectre de l’article 16 de la Constitution plane. Cet article, rarement évoqué, permet au président de la République de concentrer les pleins pouvoirs en cas de crise majeure. Bruno Millienne, porte-parole du Modem, n’a pas hésité à mentionner cette option comme une solution possible si une nouvelle motion de censure venait à renverser le gouvernement Bayrou.
Les propos de Millienne sont révélateurs d’une stratégie de communication basée sur la peur. Il affirme que toute nouvelle censure plongerait le pays dans le chaos et que seuls Emmanuel Macron et François Bayrou pourraient garantir la stabilité. Pourtant, cette rhétorique ne convainc pas tous les Français, nombreux à voir dans cette menace un prétexte pour consolider un pouvoir déjà perçu comme autoritaire.
Une crise de légitimité aux lourdes conséquences
L’utilisation éventuelle de l’article 16 pour contourner les blocages parlementaires serait une rupture démocratique majeure. Un tel scénario équivaudrait à réduire la représentation nationale à un rôle symbolique, au profit d’un exécutif omnipotent. Cette hypothèse inquiète, car elle mettrait en péril l’équilibre des institutions et pourrait aggraver les fractures sociales.
Dans ce contexte, les oppositions, qu’elles soient de gauche ou d’extrême droite, dénoncent une stratégie délibérée de Macron pour marginaliser le Parlement. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, bien que diamétralement opposés idéologiquement, convergent sur un point : la dénonciation d’un président méprisant la souveraineté populaire.
Gouverner contre les citoyens : jusqu’où ira Macron ?
La posture d’Emmanuel Macron suscite de vives réactions, tant dans la sphère politique que parmi les citoyens. Beaucoup y voient une tentative de gouverner « contre vents et marées », sans prendre en compte les aspirations exprimées lors des élections.
Alors que le pays traverse une période d’incertitude économique et sociale, cette crise politique pourrait devenir explosive. Si l’Assemblée nationale venait à censurer à nouveau le gouvernement Bayrou, la question de la légitimité même de la présidence Macron se poserait avec encore plus d’acuité.
Le mépris affiché envers les choix démocratiques est-il le signe d’une dérive autoritaire ? Une chose est sûre : la Cinquième République n’a jamais semblé aussi fragile face à un pouvoir exécutif déterminé à contourner tous les obstacles. Pour les Français, la provocation de trop pourrait bien être celle qui les pousse à descendre dans la rue.