Budget 2025 : comment justifier la suppression de 4 000 postes dans l’Éducation nationale ?

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Tony HOUDEVILLE

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INFORMATION • Le gouvernement se trouve à nouveau confronté à un défi de taille : expliquer la suppression de 4 000 postes d’enseignants dans l’Éducation nationale, tout en prétendant faire de l’école une priorité nationale. L’argument central avancé pour justifier cette décision est la baisse démographique. Pourtant, cette explication peine à convaincre et se heurte à la réalité des besoins du terrain.

Lors de la présentation du budget 2025, les chiffres sont implacables : la réduction des dépenses publiques passe par des suppressions de postes massives dans l’éducation. Précisément, 4 035 postes d’enseignants sont concernés. Parmi eux, le primaire subit une grande partie des pertes avec 3 115 postes supprimés, qui s’ajoutent aux 1 300 postes déjà sacrifiés l’an dernier. Le secondaire public et le privé sous contrat ne sont pas épargnés non plus, avec respectivement 181 et 700 suppressions de postes.

Un budget en hausse mais des moyens réduits

Malgré ces coupes importantes, le gouvernement continue d’affirmer que l’éducation reste une priorité absolue. En effet, il annonce une augmentation du budget de l’Éducation nationale de 834 millions d’euros par rapport à l’année précédente, portant le total à 63 milliards d’euros pour 2025. Cette hausse semble, à première vue, rassurante. Cependant, il convient de rappeler que cette augmentation survient après une réduction budgétaire de 700 millions d’euros décidée en février, dans le cadre d’un plan d’économies mis en place par Bruno Le Maire.

Ainsi, les 834 millions d’euros « supplémentaires » ne représentent en réalité qu’un retour partiel aux fonds précédemment coupés. En outre, une grande partie de cette somme servira à couvrir des dépenses structurelles inévitables, telles que l’évolution salariale naturelle des employés du ministère, qui compte 1,2 million de personnes. L’augmentation des salaires due à l’ancienneté et à l’avancement des carrières, connue sous le nom de « GVT » (Glissement Vieillesse Technicité), représente déjà 350 millions d’euros à elle seule pour l’année à venir.

Des marges de manœuvre limitées pour la ministre

Dans ce contexte budgétaire tendu, la nouvelle ministre de l’Éducation, Anne Genetet, dispose de peu de marges de manœuvre pour améliorer la situation. Pour atténuer l’impact des suppressions d’emplois, le gouvernement choisit de minimiser les chiffres. Plutôt que de parler de 4 000 suppressions de postes, Matignon et la Rue de Grenelle évoquent la création de 2 000 postes supplémentaires pour les AESH (Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap). Bien que cette initiative réponde à une demande forte des familles, ces postes sont souvent à temps partiel et mal rémunérés, ce qui ne permet pas de compenser les pertes en moyens d’enseignement.

Cette stratégie soulève des incohérences évidentes avec les déclarations du président Macron, qui, depuis sa réélection en 2022, fait de l’éducation l’un des piliers de son programme. Malgré ses discours répétés sur l’importance de l’école dans la construction de l’avenir du pays, aucune mesure concrète n’a été prise pour renforcer significativement les moyens accordés à l’Éducation nationale.

Le spectre de la démographie plane sur les décisions budgétaires

Dans un rapport élaboré par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, ainsi que celui des finances, la baisse démographique est largement mise en avant pour justifier ces coupes. Ce rapport prévoit une réduction significative du nombre d’élèves sur la prochaine décennie, avec une baisse attendue de 390 000 élèves entre 2023 et 2027. Ce phénomène sert d’argument pour la suppression de plusieurs milliers de classes dans le primaire et le secondaire.

Cependant, le lien entre cette baisse démographique et la réduction des moyens d’enseignement est loin d’être évident. En effet, même avec moins d’élèves, la France continue d’afficher l’un des plus hauts ratios d’élèves par enseignant au sein de l’OCDE, avec 23 élèves par enseignant, bien au-dessus de la moyenne internationale.

Un renoncement politique visible

Cette politique de réduction des postes d’enseignants reflète une forme de renoncement politique, en contradiction directe avec les engagements pris par le président et ses ministres successifs. Depuis 2017, Emmanuel Macron et ses gouvernements ont multiplié les réformes éducatives, sans jamais accorder les moyens nécessaires à leur mise en œuvre. Cette tendance se confirme avec le budget 2025, où les promesses de renforcement des moyens pour l’éducation ne se matérialisent pas.

Le renoncement est d’autant plus flagrant que Gabriel Attal, ancien ministre de l’Éducation et désormais chef du groupe macroniste à l’Assemblée nationale, avait fait de la cause éducative un point central de son discours politique. Toutefois, même lui, aujourd’hui, semble impuissant face aux décisions budgétaires prises par le gouvernement Barnier, soutenu par l’influence de Bercy.

Des conséquences pour les enseignants et les élèves

Les conséquences de cette politique de réduction des postes sont déjà visibles dans les établissements scolaires. La suppression de plus de 4 000 postes d’enseignants pour 2025 risque de peser lourdement sur la qualité de l’enseignement. Avec moins de personnel disponible, les remplacements seront plus difficiles à organiser, ce qui affectera directement les élèves. Bien que le gouvernement ait prévu d’augmenter l’enveloppe dédiée aux remplacements de courte durée de 98 millions d’euros, cette mesure ne pourra pas résoudre le problème des pénuries d’enseignants.

Au final, cette réforme budgétaire et les suppressions de postes qui en découlent traduisent un désengagement politique manifeste. Loin des promesses initiales, cette politique met en lumière les contradictions entre les discours publics et les actions concrètes, posant ainsi la question de la véritable place accordée à l’éducation dans les priorités du gouvernement.

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