OPINION • En 2023, les privilèges accordés aux anciens présidents et Premiers ministres français ont coûté 2,7 millions d’euros à l’État, selon un document parlementaire révélé par Politico. Ces avantages incluent chauffeurs, véhicules, secrétariats et autres prestations de services, bénéficiant à ces personnalités longtemps après leur départ des fonctions publiques.
Parmi les principaux bénéficiaires, les anciens Premiers ministres Bernard Cazeneuve, Dominique de Villepin et Jean-Pierre Raffarin se démarquent par les montants les plus élevés. Une note budgétaire de la députée Marie-Christine Dalloz détaille ces dépenses, révélant une hausse notable par rapport à 2022, en dépit des appels à la rigueur budgétaire.
Une augmentation de 11 % en un an
Les dépenses associées aux onze anciens Premiers ministres ont atteint 1,42 million d’euros en 2023, marquant une augmentation de 11 % par rapport à l’année précédente. Cette hausse intervient dans un contexte où l’État multiplie les appels à la sobriété économique. Bien que les montants, au regard du budget national, puissent sembler modestes, ils sont jugés symboliquement problématiques.
Marie-Christine Dalloz plaide pour une gestion plus stricte de ces avantages, notamment en ciblant des bénéficiaires particulièrement visibles et coûteux, tels que Dominique de Villepin, souvent présent sur les plateaux télévisés. Son cabinet de conseil Villepin International a contribué à le maintenir sous les projecteurs, mais également au sommet de la liste des anciens Premiers ministres les plus coûteux.
Un podium contesté des anciens chefs de gouvernement
Bernard Cazeneuve occupe la première place avec des dépenses totales atteignant 200 000 euros en 2023, principalement pour le personnel (181 000 euros) et les déplacements (20 000 euros). Désormais avocat au sein du prestigieux cabinet August Debouzy, son statut continue de susciter des interrogations sur la nécessité d’un soutien public aussi important.
Dominique de Villepin suit de près avec une enveloppe de 197 540 euros, presque entièrement consacrée aux frais de personnel. Jean-Pierre Raffarin, dont les activités en Chine sont bien connues, complète ce podium avec 167 467 euros. À l’inverse, d’anciens Premiers ministres tels qu’Alain Juppé et Jean-Marc Ayrault affichent des coûts bien plus modestes.
Un cadre réglementaire à géométrie variable
Les privilèges des anciens Premiers ministres sont aujourd’hui partiellement encadrés par un décret de 2019, limitant leur durée à dix ans après la fin des fonctions et imposant un âge maximal de 67 ans. Cependant, cette réglementation ne s’applique pas rétroactivement aux anciens chefs de gouvernement ayant quitté leurs fonctions avant cette date.
Cela crée une situation inégalitaire, où certains continuent de bénéficier d’avantages bien au-delà des restrictions imposées. Des personnalités comme Édouard Philippe, actuellement maire du Havre, ou Jean Castex, président de la RATP, affichent des coûts symboliques, démontrant qu’une activité professionnelle post-mandat peut réduire l’impact de ces privilèges sur les finances publiques.
Les anciens présidents : une dépense en légère baisse
En parallèle, les anciens présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy continuent de bénéficier de larges avantages, pour un coût total de 1,32 million d’euros en 2023. Ce montant, bien que significatif, est en légère baisse de 5,4 % par rapport à 2022, une diminution notable dans ce paysage de dépenses croissantes.
Cependant, cette charge s’ajoute à d’autres coûts pris en charge par l’État, notamment les retraites et la sécurité, rendant le total beaucoup plus lourd que celui des anciens Premiers ministres. Ces privilèges, bien qu’encadrés, alimentent régulièrement les débats sur leur légitimité.
Exemplarité et rationalisation : un débat récurrent
Les chiffres révélés par Marie-Christine Dalloz relancent la question de l’exemplarité des élites politiques. Alors que l’État exige des sacrifices de la part de ses citoyens, le maintien de ces avantages semble contradictoire. Ces dépenses, bien que relativement marginales dans le budget national, revêtent une importance symbolique majeure, alimentant les critiques sur la déconnexion des élites et leur incapacité à participer aux efforts collectifs.
Une refonte du cadre réglementaire pourrait être envisagée, non seulement pour limiter davantage ces privilèges, mais aussi pour répondre aux attentes croissantes de transparence et de justice sociale. Les avantages des anciens dirigeants, bien qu’historiquement justifiés, apparaissent de plus en plus comme des reliques d’un autre temps, difficilement compatibles avec les exigences actuelles de rigueur budgétaire et d’équité.