1,42 million d’euros en voitures, chauffeurs et sécurité : ces politiciens qui coûtent très cher aux Français

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Tony HOUDEVILLE

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INFORMATION • La France se débat avec des politiques d’austérité exigeant des sacrifices considérables des citoyens, tout en maintenant un train de vie politique exorbitant. L’un des symboles les plus frappants de cette contradiction réside dans les coûts astronomiques liés à la protection policière des personnalités politiques, même les moins exposées. Ce privilège, souvent maintenu sans limite de temps, représente une dépense colossale pour l’État et soulève des interrogations sur son adéquation à une époque où les gouvernements successifs imposent une rigueur dans la gestion des finances publiques.

Une Protection Étendue, mais Justifiée ?

Assurer la sécurité des personnalités publiques est une mission traditionnellement adoptée en France. Cette tâche revient au Service de la Protection (SDLP), dont les agents sont mobilisés selon un système de classification en quatre niveaux, allant de T1 (menace exceptionnelle) à T4 (menace faible). Cependant, c’est précisément cette dernière catégorie, T4, qui concentre les critiques. Une protection minimale implique un véhicule et quatre policiers se relayant jour et nuit, pour un coût annuel dépassant largement les 300 000 € par personnalité, selon les estimations de la Cour des comptes.

Julien Adubeiro, secrétaire régional du syndicat UN1TÉ, dénonce une dérive de cette mission, où les agents, censés assurer une fonction sécuritaire, se retrouvent à accomplir des tâches éloignées de leur vocation, comme récupérer des effets personnels ou accompagner les protégés dans des déplacements privés non justifiés.

Une Liste de Bénéficiaires qui Interpelle

Parmi les bénéficiaires de ces protections coûteuses figurent des personnalités dont la nécessité d’un tel dispositif est largement discutable. Une trentaine de personnes sont concernées, incluant des « très anciens ministres de l’Intérieur » comme Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement, Daniel Vaillant, Michèle Alliot-Marie, Claude Guéant ou encore Brice Hortefeux. À cette liste s’ajoute Jordan Bardella, président du Rassemblement national, dont l’attribution d’une protection pose également question compte tenu de l’absence de menaces réelles identifiées. Bien qu’ayant occupé des responsabilités d’État par le passé, certaines figures apparaissent aujourd’hui très rarement en public, soulevant une question légitime : pourquoi leur protection continue-t-elle d’être financée par les contribuables alors que leur exposition est devenue marginale ?

En 2023, la protection des anciens Premiers ministres, qui inclut véhicules, chauffeurs et personnel de sécurité, a coûté 1,42 million d’euros. Malgré une réforme en 2019 limitant cette protection à dix ans pour les nouveaux sortants, de nombreux anciens responsables continuent d’en bénéficier, avec un impact significatif sur les finances publiques.

Le scandale s’aggrave lorsque l’on examine le cas de ministres de l’Intérieur restés seulement quelques mois en poste, comme François Baroin, Mathias Feckel ou Bruno Leroux. Ces personnalités, dont les fonctions ont été éphémères, continuent pourtant de bénéficier d’un dispositif de sécurité dispendieux, injustifiable au regard des sacrifices demandés aux citoyens. Leur faible exposition actuelle ne semble pas justifier de tels privilèges, et leur maintien apparaît comme une aberration dans une époque où l’État prône la rigueur budgétaire.

Une Charge Insoutenable pour les Services de Sécurité

Cette surprotection ne se limite pas à un coût financier : elle surcharge également les effectifs du SDLP. Selon Frédéric Auréal, ancien chef de ce service, les agents accumulent des heures supplémentaires « à la limite du supportable », ce qui nuit à leur efficacité. Certains n’ont pas pratiqué le tir pendant deux mois, un manquement grave pour des agents censés être en alerte permanente.

Cette surcharge pose aussi la question de l’opportunité : alors que la France connaît des pics d’insécurité dans certains territoires, mobiliser des ressources policières pour des personnalités peu exposées semble une priorité mal ajustée.

Un Scandale Face aux Exigences Imposées aux Français

Dans ce contexte, la question devient politique. Comment justifier de tels privilèges lorsque le gouvernement impose des coupes budgétaires dans les services publics essentiels ? Le Premier ministre Michel Barnier a récemment plaidé pour un train de vie de l’État plus sobre, annonçant un projet de réforme visant à réduire la protection des anciens ministres ou responsables politiques les moins exposés.

Pourtant, cette réforme ne va pas sans résistances. Des personnalités comme Élisabeth Borne, ancienne Première ministre, défendent la nécessité de maintenir leur protection, invoquant les risques liés à des réformes impopulaires qu’elles ont portées. Mais ces justifications, bien que valables dans certains cas, ne peuvent excuser un système devenu hors de contrôle.

Un Privilège Déconnecté de la Réalité

Cette diversité de bénéficiaires illustre une pratique systémique, où l’octroi de ces protections ne semble pas reposer sur une évaluation rigoureuse des menaces réelles. Alors que les Français subissent des coupes dans les services publics essentiels et voient leur niveau de vie diminuer, ce privilège pour une élite politique, parfois éloignée de toute activité publique significative, apparaît profondément déconnecté des réalités de la population.

La réduction de ces privilèges ne se limite pas à une simple mesure d’économie. Elle envoie un message plus large sur la justice sociale et l’exemplarité des élites politiques. Alors que les Français se voient demander toujours plus de sacrifices, il est impératif que leurs dirigeants montrent l’exemple. Sans cela, le fossé entre gouvernants et gouvernés risque de s’élargir encore, alimentant une défiance déjà profonde envers les institutions.

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