OPINION • Mardi 17 décembre 2024, le plateau de L’Assemblée BFM s’est transformé en champ de bataille politique, mais aussi en miroir des travers persistants de notre société. Lors d’un débat animé par Benjamin Duhamel, Manon Aubry (LFI) et Julien Odoul (RN) ont cristallisé les tensions autour de sujets brûlants comme l’immigration et l’insécurité. Si les positions politiques tranchées des deux protagonistes ne surprennent plus, c’est l’attitude paternaliste et sexiste de Julien Odoul qui a profondément marqué les esprits. Une fois encore, ce comportement illustre la difficulté pour les femmes politiques d’évoluer dans un environnement hostile, où la parole leur est souvent confisquée ou méprisée.
Une posture de domination révélatrice
Dès les premières minutes du débat, Julien Odoul s’est évertué à interrompre Manon Aubry à de multiples reprises, niant ainsi à son adversaire le droit élémentaire de s’exprimer. Alors que la députée LFI dénonçait les amalgames dangereux entre immigration et insécurité, Odoul a choisi non pas de répondre sur le fond, mais de rabaisser son interlocutrice, allant jusqu’à lui suggérer de « prendre un verre d’eau froide ». Une remarque d’apparence anodine, mais qui s’inscrit dans une longue tradition de réduction des femmes au silence par des techniques de domination verbale.
Ce type d’attitude, loin d’être anodin, renforce l’idée que les femmes doivent adopter une posture « calme et raisonnable » pour être légitimes. En exigeant de Manon Aubry qu’elle « se détende », Julien Odoul ne s’attaque pas seulement à ses idées, mais à sa légitimité même en tant que femme politique. Ce sexisme, qui se déguise sous les traits de l’ironie ou du bon sens, perpétue une culture de mépris à laquelle il est urgent de mettre fin.
Manon Aubry : la voix de l’indignation nécessaire
Face à ces attaques, la réponse de Manon Aubry a été exemplaire. Refusant de se laisser intimider, elle a riposté avec fermeté : « Les remarques sexistes, c’est trop. Si ça continue, je prends mon micro et je m’en vais. » Cette déclaration, loin d’être une simple réaction émotionnelle, est une prise de position politique essentielle. En pointant du doigt le sexisme ordinaire dont elle était victime, Manon Aubry a rappelé à tous que le combat féministe ne se limite pas aux grandes déclarations, mais se joue aussi dans ces moments du quotidien, où le mépris et la condescendance cherchent à invisibiliser les femmes.
Son indignation a d’ailleurs trouvé un écho chez l’animateur Benjamin Duhamel, qui a recadré Julien Odoul avec justesse : « Ce genre de remarques est inacceptable. Ici, on échange avec respect. » Cette intervention, bien que bienvenue, soulève une autre question : pourquoi les femmes doivent-elles systématiquement dépendre de la validation ou du soutien d’un tiers pour que leur parole soit entendue et respectée ?
L’extrême droite, bastion du sexisme ?
Au-delà de cet épisode, l’attitude de Julien Odoul est révélatrice d’un problème plus profond. Si le sexisme transcende les clivages politiques, il est particulièrement exacerbé dans les discours et comportements de l’extrême droite. En stigmatisant non seulement les populations issues de l’immigration, mais aussi en méprisant ouvertement les femmes, le Rassemblement National perpétue un système de domination patriarcale et xénophobe.
Manon Aubry l’a souligné avec pertinence sur les réseaux sociaux : « Sexisme scandaleux du député RN Julien Odoul. L’extrême droite, c’est ça : le mépris des femmes et la haine du débat. » Ce message, largement partagé, rappelle que le combat contre l’extrême droite est aussi un combat féministe.
Une leçon pour l’espace médiatique
Cet échange met en lumière un enjeu fondamental : la nécessité de repenser les conditions du débat public. Pourquoi accepte-t-on encore qu’un plateau de télévision devienne le théâtre de comportements sexistes ? Pourquoi faut-il encore « élever la voix » pour être entendue ? Ces questions, soulevées par l’attitude de Manon Aubry, doivent inviter les médias à prendre leurs responsabilités.
Dans une démocratie digne de ce nom, les idées doivent primer sur les attaques personnelles, et la diversité des voix – y compris celle des femmes – doit être non seulement tolérée, mais valorisée. Manon Aubry, par son courage et sa détermination, nous rappelle que la lutte contre le sexisme et le mépris de l’autre est un combat quotidien, qui mérite d’être mené avec force et conviction.