Les restaurateurs montent au créneau face au succès des tickets-restaurant dans les grandes surfaces

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Tony HOUDEVILLE

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INFORMATION • Thierry Marx, président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (Umih), a exprimé son indignation face à la possible extension de l’usage des titres-restaurant pour les achats alimentaires en grande surface à partir de 2025. Selon lui, cette mesure, déjà mise en place depuis 2022, pourrait constituer un véritable coup dur pour le secteur de la restauration.

Lors d’une interview accordée à RMC, le célèbre restaurateur a qualifié cette décision de « scandaleuse ». Il a rappelé que les titres-restaurant ont été initialement créés pour permettre aux salariés de se restaurer dans les établissements de restauration, pas pour faire des courses alimentaires. Selon Marx, cette extension risque de détourner une manne financière importante des restaurateurs, estimée à environ 576 millions d’euros.

L’impact financier sur la restauration

Le principal grief exprimé par Thierry Marx est l’effet que cette mesure pourrait avoir sur les revenus des restaurateurs. Les titres-restaurant représentent une part non négligeable du chiffre d’affaires de nombreux établissements de restauration. Si leur usage venait à se généraliser dans les supermarchés, ces derniers capteraient une grande partie de cette ressource.

Selon Marx, cela ne ferait qu’aggraver la situation pour un secteur qui a déjà traversé de nombreuses crises ces dernières années, notamment avec la pandémie de COVID-19 et la hausse des coûts des matières premières. « Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre une telle somme », a-t-il martelé, appelant le gouvernement à reconsidérer cette mesure.

Un enjeu de pouvoir d’achat pour les consommateurs

Malgré les réticences des restaurateurs, certains arguments en faveur de cette extension sont avancés. Le Groupement des Hôtelleries & Restaurations de France (GHR), un autre syndicat du secteur, a reconnu que cette mesure est perçue par les consommateurs comme un véritable avantage en termes de pouvoir d’achat. En permettant l’achat de denrées alimentaires de base comme les pâtes, le riz ou la viande avec des titres-restaurant, de nombreux ménages peuvent mieux faire face à l’inflation galopante.

Toutefois, le GHR, tout en admettant cet aspect positif, a également exprimé des réserves. Romain Vidal, chargé du dossier au sein du syndicat, a suggéré une approche plus équilibrée. Il propose l’instauration de deux plafonds journaliers : un plafond de 15 euros pour les achats en supermarché et un plafond de 25 euros pour les dépenses effectuées dans les restaurants. Cela permettrait de maintenir une certaine équité entre les deux secteurs tout en répondant aux besoins des consommateurs.

Vers un nouveau modèle de titres-restaurant ?

Face à ces préoccupations, Thierry Marx a proposé une solution alternative. Il appelle à la création d’un nouveau titre-restaurant, spécifiquement dédié à l’alimentation durable, qui pourrait être utilisé dans les grandes surfaces. Ce titre serait distinct des titres actuels et permettrait de limiter la concurrence entre la restauration et la distribution, tout en répondant aux attentes des consommateurs soucieux d’une alimentation plus responsable.

Cette proposition permettrait également de recentrer les titres-restaurant traditionnels sur leur vocation première : frir aux salariés la possibilité de manger dans des restaurants, en maintenant ainsi une dynamique économique essentielle pour le secteur. Le restaurateur espère que cette solution pourrait être étudiée sérieusement par les pouvoirs publics dans les semaines à venir.

Une réévaluation gouvernementale en cours

De son côté, le gouvernement n’a pas encore tranché sur la pérennisation de cette extension. Si l’usage des titres-restaurant pour acheter des produits de base en grande surface a été introduit en 2022, notamment pour faire face aux difficultés économiques liées à la crise sanitaire, il est actuellement en phase d’arbitrage. Le ministère de l’Économie a annoncé que cette question serait réexaminée dans les prochains jours.

Il est donc possible que l’extension ne soit pas prolongée, ou qu’elle soit modifiée pour mieux répondre aux attentes des restaurateurs et des consommateurs. La décision finale pourrait ainsi inclure des ajustements comme les plafonds suggérés par le GHR ou la mise en place d’un titre spécifique pour les achats en grande distribution.

Les réserves d’Edenred

La société Edenred, émettrice des Tickets-restaurant, a également fait part de ses réserves quant à la prolongation de cette mesure. L’entreprise, qui joue un rôle central dans la gestion des titres-restaurant en France, a déclaré à l’AFP qu’elle n’était « en principe » pas favorable à la pérennisation de l’extension actuelle.

Pour Edenred, le titre-restaurant est avant tout un avantage social, destiné à permettre aux salariés de bien s’alimenter durant leur journée de travail. Il est donc crucial, selon eux, de maintenir ce système centré sur la restauration pour que les entreprises continuent de financer cet avantage. Si les titres-restaurant venaient à être trop largement utilisés dans d’autres secteurs, les employeurs pourraient perdre de vue leur utilité initiale et revoir à la baisse leur participation à ce dispositif.

Un arbitrage attendu avec impatience

Le débat autour de l’utilisation des titres-restaurant en grande distribution est loin d’être clos. Entre la préoccupation des restaurateurs, soucieux de ne pas voir leurs revenus diminuer, et celle des consommateurs qui bénéficient d’un coup de pouce en termes de pouvoir d’achat, le gouvernement devra trouver un équilibre délicat.

La décision qui sera prise dans les jours à venir pourrait avoir des conséquences importantes pour l’économie de la restauration en France, mais également pour des millions de salariés qui comptent sur les titres-restaurant pour alléger leurs dépenses alimentaires. Quelles que soient les mesures adoptées, le dossier devra être traité avec attention pour répondre aux différents enjeux soulevés par cette question complexe.

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