« Jamais vu une telle répression » : Face à la colère des agriculteurs, les autorités envoient les forces de l’ordre

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Tony HOUDEVILLE

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INFORMATION • Ce lundi 6 janvier, la Coordination rurale (CR), deuxième syndicat agricole français, a tenté de faire entendre la voix des agriculteurs en « montant à Paris ». Leur objectif : dénoncer un ensemble de politiques jugées défavorables, dont l’accord UE-Mercosur. Malgré leur détermination, les convois agricoles se sont heurtés à des barrages policiers, symbolisant un conflit social profondément ancré dans le désarroi des campagnes.

Une colère agricole en marche

Les convois de tracteurs, partis des quatre coins de la France, n’ont pas réussi à atteindre leur destination. Les agriculteurs espéraient manifester leur mécontentement à Paris, mais ils ont été stoppés par les forces de l’ordre dans plusieurs départements, notamment les Yvelines, l’Essonne et la Seine-et-Marne. Certaines routes, comme l’A450 près de Lyon, ont été transformées en scènes de mobilisation par des opérations escargots. Ces actions traduisent l’exaspération croissante des exploitants agricoles, confrontés à des défis économiques et environnementaux toujours plus lourds.

L’accord UE-Mercosur est au cœur de cette colère. Accusé de favoriser l’importation de produits agricoles à bas coût ne respectant pas les normes environnementales et sociales françaises, ce traité symbolise pour beaucoup un abandon des campagnes au profit de logiques de marché mondialisées.

« Nous sommes ignorés par l’exécutif »

La mobilisation agricole intervient à un moment stratégique : la veille du lancement de la campagne pour les élections aux chambres d’agriculture. Ces élections sont cruciales pour redéfinir le rapport de force entre syndicats agricoles, où la CR espère gagner en influence face à la toute-puissante FNSEA.

Le gouvernement, incarné par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, se montre inflexible. Tout en affirmant comprendre les inquiétudes des agriculteurs, elle insiste sur l’importance de maintenir l’ordre public. Pour elle, la capitale ne doit pas être paralysée, surtout un jour de rentrée scolaire. Cependant, cette posture est perçue par les agriculteurs comme une fin de non-recevoir face à leurs revendications, alimentant un sentiment d’abandon et d’injustice.

Les promesses non tenues, un poids lourd à porter

Les critiques des agriculteurs ne se limitent pas au Mercosur. Ils dénoncent également la complexité administrative, les normes oppressantes et une rémunération qui ne permet plus de vivre dignement de leur métier. « Nous sommes sans réponse depuis un an sur les promesses faites », déclare un membre de la Coordination rurale, illustrant la frustration généralisée.

Cette situation n’est pas nouvelle. Depuis des décennies, le malaise agricole grandit, alimenté par une mondialisation destructrice et des politiques nationales jugées incohérentes. Les récents changements gouvernementaux et retards législatifs, notamment concernant le projet de loi d’orientation agricole, n’ont fait qu’exacerber ce sentiment de trahison.

L’exécutif face à une défiance généralisée

La réponse gouvernementale, incarnée par un discours de fermeté et des promesses de lois rétroactives, semble insuffisante pour apaiser la colère. La ministre a annoncé des aides pour compenser les pertes, mais celles-ci peinent à convaincre des agriculteurs qui réclament des actes immédiats et concrets.

La Coordination rurale, coutumière des « actions coup de poing », insiste sur la nécessité d’un dialogue direct avec les parlementaires. « Nous ne voulons pas paralyser Paris, mais être écoutés », affirme Christian Convers, secrétaire général du syndicat. Pourtant, les restrictions imposées par la Préfecture de police, interdisant les rassemblements non déclarés, compliquent davantage la situation.

Vers une fracture irrémédiable ?

Le conflit entre les « bonnets jaunes » et le gouvernement illustre un malaise plus large : celui d’une fracture sociale grandissante entre les campagnes et les élites urbaines. Les agriculteurs ne se battent pas seulement pour leur survie économique, mais pour la reconnaissance de leur rôle vital dans la société.

Alors que les élections aux chambres d’agriculture approchent, cette mobilisation pourrait redistribuer les cartes du pouvoir syndical et redéfinir les priorités agricoles. Mais une question demeure : le gouvernement est-il prêt à écouter ces voix rurales ou choisira-t-il de persister dans une gestion autoritaire des conflits sociaux ?

En refusant de céder, les agriculteurs expriment un rejet des politiques néolibérales qui sacrifient les plus vulnérables au profit des multinationales. Ce combat, bien que localisé, résonne comme un appel à repenser les priorités économiques et sociales. La survie des agriculteurs n’est pas qu’un enjeu sectoriel : elle est le socle d’un avenir plus équitable et durable.

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