INFORMATION • Selon une récente enquête menée par « Off Investigation », Bernard-Henri Lévy, le philosophe controversé aux multiples casquettes, a entamé un huitième mandat en tant que président du conseil de surveillance d’Arte. Cette fonction, qu’il occupe depuis 31 ans, pose la question de l’éthique et de la transparence, d’autant plus que la chaîne franco-allemande publique soutient régulièrement ses productions cinématographiques. La proximité entre Arte et Les Films du Lendemain, la société de production de BHL, interroge sur la présence potentielle d’un conflit d’intérêts.
Un mandat prolongé grâce à un changement de statuts
Les statuts de 2019 avaient introduit une limite d’âge de 70 ans pour les fonctions à la tête du conseil de surveillance d’Arte. Pourtant, le groupe a choisi de modifier ces règles pour permettre à Bernard-Henri Lévy, souvent qualifié par Dominique de Villepin de « Christ sans plaies », de rester en poste. Cette adaptation des statuts suscite des interrogations quant à l’intégrité des pratiques décisionnelles au sein de la chaîne.
« C’est un poste semi-honorifique, semi-mafieux », a commenté un journaliste ayant travaillé avec Arte. L’intervention directe du groupe pour maintenir BHL à ce poste montre l’influence qu’il exerce sur la chaîne publique et met en question l’indépendance de cette dernière.
Un privilège dénoncé par la sphère politique
Le 22 octobre, lors d’une commission parlementaire sur le budget de l’audiovisuel public, le député Aymeric Caron a vivement critiqué cette situation, parlant de « conflit d’intérêts manifeste ». Il a rappelé que la chaîne qu’il préside finance également des films qu’il réalise ou écrit, soulevant des questions légitimes sur la neutralité et l’éthique de cette position.
Interrogée par le député, la ministre de la Culture, Rachida Dati, a concédé que la notion de conflit d’intérêts était problématique. Elle a proposé d’écrire au président du conseil de surveillance pour obtenir des clarifications. Toutefois, cette suggestion a laissé planer un doute sur la volonté politique réelle de régler cette question sensible.
Rapporteur pour avis pour le budget sur l’audiovisuel public, je demande la démission de @BHL de son poste de président du conseil de surveillance d’Arte France.
— Aymeric Caron (@CaronAymericoff) October 22, 2024
J’ai en effet relevé le traitement de faveur dont il bénéfice ainsi que le conflit d’intérêt intenable que sa… pic.twitter.com/iTqAo7Jh0r
Le poids de BHL dans les choix stratégiques d’Arte
Depuis le début de sa présidence, Bernard-Henri Lévy a joué un rôle influent dans plusieurs nominations, notamment en soutenant la prise de fonction de Bruno Patino à la présidence de la chaîne en 2020. Jérôme Clément, ancien président d’Arte, a témoigné de la relation de confiance et d’amitié qui le lie à BHL, soulignant que ce dernier a toujours été présent pour soutenir et résoudre les crises internes.
Cette influence n’est pas sans conséquence sur les décisions stratégiques d’Arte, ce qui renforce le questionnement sur l’équilibre entre l’influence personnelle de BHL et la mission d’intérêt public de la chaîne.
Des financements qui posent question
Parmi les projets financés par Arte, plusieurs productions de BHL se distinguent, parfois pour de mauvaises raisons. Des films comme « Le jour et la nuit », « Le serment de Tobrouk », ou encore « Peshmerga » ont été soutenus à hauteur de centaines de milliers d’euros, sans pour autant récolter un succès public marquant. Par ailleurs, douze autres films produits par Les Films du Lendemain ont bénéficié du financement d’Arte, même si deux tiers d’entre eux n’ont pas dépassé les 100 000 entrées en salles.
Cette générosité envers les projets de BHL a alimenté les critiques, renforçant le doute quant à une impartialité dans la gestion des ressources publiques. Pourtant, Arte persiste à affirmer que ses décisions sont prises en toute indépendance.
La justification officielle d’Arte
Pour défendre cette prolongation de mandat et la modification des statuts, un porte-parole d’Arte France a expliqué que la réforme alignait les règles de la chaîne sur le droit commun du Code du commerce. La limite d’âge, contournée pour permettre à BHL de continuer son mandat, est présentée comme une spécificité française.
Ainsi, malgré les polémiques et les remises en question, Bernard-Henri Lévy demeure, pour l’heure, solidement ancré à la présidence du conseil de surveillance d’Arte, laissant penser que ce chapitre de sa carrière est loin d’être clos.