INFORMATION • En pleine crise économique et sociale, François Rebsamen, ancien maire de Dijon et actuel ministre de l’Aménagement du territoire, s’est octroyé une hausse de 25 000 euros par an sur ses indemnités locales en tant que président de Dijon Métropole. Cette décision, perçue comme déconnectée des réalités des citoyens, a déclenché une vive polémique sur l’exemplarité des élus et la gestion des deniers publics.
Une augmentation contestée en pleine crise budgétaire
En novembre 2024, François Rebsamen a pris la décision de quitter son poste de maire de Dijon, fonction qu’il occupait depuis 23 ans. Ce départ, officiellement motivé par une surcharge de travail, devait lui permettre de se concentrer sur la présidence de Dijon Métropole, regroupant 23 communes. Pourtant, quelques semaines après sa démission, il a fait voter une augmentation de ses indemnités métropolitaines, atteignant le plafond légal de rémunération.
Cette décision a immédiatement suscité l’indignation, notamment dans un contexte de restrictions budgétaires pour les citoyens. Pour Bruno David, conseiller d’opposition, cette augmentation est injustifiée. Les responsabilités de François Rebsamen à la métropole n’ayant pas évolué, l’augmentation est perçue comme une démarche purement opportuniste, éloignée des besoins des contribuables.
Cumul des mandats : une exception devenue pratique courante
Le débat autour du cumul des fonctions politiques n’est pas nouveau, mais il prend une tournure particulière avec François Rebsamen. Alors que certains ministres, comme François Bayrou ou Jean-Yves Le Drian, ont renoncé à leurs indemnités locales pour privilégier leur rôle national, Rebsamen persiste dans une logique différente. En cumulant son indemnité ministérielle (10 647 euros) et ses revenus locaux (2 757 euros), il atteint un revenu total de 13 404 euros par mois, tout en respectant la légalité.
Cependant, la légalité ne dissipe pas les critiques. Emmanuel Bichot, conseiller municipal Les Républicains, a dénoncé cette accumulation, estimant qu’elle reflète une priorité donnée aux intérêts personnels plutôt qu’à l’intérêt général. Il pointe également les coûts indirects liés à cette double fonction, notamment le recrutement de collaborateurs supplémentaires pour la métropole.
Lire aussi
Le président du Sénat commande une chaise à 40 000 euros tout en demandant des efforts aux Français.Une défense difficile à justifier
Face aux critiques, François Rebsamen a tenté de justifier son choix. Selon son entourage, ce cumul serait non seulement légal mais aussi cohérent avec la charge de travail assumée. Sa conseillère a même comparé sa situation à celle d’un cadre dans le secteur privé, arguant qu’il gagnerait davantage en dehors de la politique. Cette justification peine néanmoins à convaincre, surtout à une époque où les inégalités sociales et économiques s’aggravent.
Un rapport sénatorial publié en 2023 rappelait pourtant que les mandats locaux reposent historiquement sur le principe de la gratuité. Les indemnités ne sont pas conçues comme des salaires mais comme des compensations pour les frais engendrés par l’exercice de la fonction. Cette distinction essentielle est au cœur des critiques formulées par l’opinion publique, qui perçoit les actions de François Rebsamen comme une transgression de ce principe.
Une exemplarité en question dans un contexte d’austérité
Alors que de nombreux Français subissent les conséquences de politiques d’austérité, les choix de François Rebsamen mettent en lumière un double discours parmi les élites politiques. D’un côté, on demande aux citoyens de se serrer la ceinture ; de l’autre, certains élus s’octroient des privilèges perçus comme excessifs.
Cette controverse illustre plus largement un problème systémique : le manque de cohérence entre les attentes citoyennes et les pratiques politiques. En refusant de renoncer à ses indemnités locales, François Rebsamen contribue à renforcer une image d’élites politiques déconnectées des réalités sociales.
Vers un débat nécessaire sur les pratiques politiques
Le cas de François Rebsamen n’est pas isolé, mais il symbolise une dérive inquiétante dans la gestion des mandats publics. La question de la moralité et de l’exemplarité des élus se pose avec acuité, surtout dans un contexte où les inégalités se creusent. Si les pratiques de cumul des fonctions restent légales, elles sont de plus en plus critiquées par une population en quête de transparence et de justice.
Une inculture sociale embarrassante
François Rebsamen n’est pas novice en matière de responsabilités ministérielles. Avant de devenir ministre de l’Aménagement du territoire, il a occupé le poste de ministre du Travail dans le gouvernement Valls, sous François Hollande, entre 2014 et 2015. Cette expérience avait déjà mis en lumière les failles de son approche politique, notamment sur les questions sociales. Un moment marquant, capturé dans le documentaire La Sociale de Gilles Perret, reste gravé dans les mémoires. Interrogé sur les origines de la Sécurité sociale, pilier du modèle social français, Rebsamen a livré une réponse erronée qui a suscité de nombreuses critiques. Cette scène a révélé une certaine désinvolture, voire un mépris pour cet héritage historique essentiel.
Lors de cet échange, François Rebsamen, questionné sur l’architecte de la Sécurité sociale, a d’abord tenté d’éluder la question. Il a ensuite avancé une réponse incorrecte : « René Viviani ». Cette erreur est flagrante, Viviani ayant été le premier ministre du Travail en 1906, bien avant la création de la Sécurité sociale en 1945. L’oubli du rôle d’Ambroise Croizat, ministre communiste du Travail et véritable instigateur du système, a choqué. Pire, Rebsamen a minimisé l’apport de Croizat, attribuant cette avancée sociale au général de Gaulle, dans une posture perçue comme arrogante. Cet épisode symbolise les limites de sa compréhension des enjeux sociaux et son éloignement des luttes ayant construit les droits sociaux en France. Un moment qui éclaire encore aujourd’hui son incapacité à incarner une vision sociale ambitieuse.